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Juil

Demandes monoparentales et homoparentales d’AMP avec don de spermatozoïdes

Par : Jacques Montagut

Voilà une question en débat dans notre pays depuis plusieurs années : toute femme en désir d’enfant peut-elle bénéficier d’une assistance médicale à la procréation, quelle que soit sa situation socio-familiale et sans justification médicale obligée ?

Cette question de société a fait l’objet de nombreux débats au sein de la démocratie participative en France. Fertile Vision y a consacré plusieurs écrits sur le site et un débat avec votes interactifs en 2018.

Le 2 août 2021, le législateur a tranché.

Les couples de femmes et les femmes seules, désignées dans la loi  « femmes non mariées », peuvent désormais accéder à l’AMP, une demande sociétale dans le prolongement de la loi sur le mariage pour tous (loi Taubira 2013), soutenu par de nombreuses instances préalablement consultées (États généraux de la bioéthique, Conseil d’état, CCNE, OPECST).

Il s’agit d’une part de l’auto-conservation ovocytaire et d’autre part de l’accès au don de spermatozoïdes pour répondre à un projet parental, homoparental ou monoparental.

L’auto-conservation ovocytaire répond à des conditions d’âge fixées en conseil d’État. Le prélèvement ovocytaire à visée sociétale s’effectue entre 29 et 37 ans. La limite supérieure d’âge pour l’auto-utilisation des ovocytes mis en conservation est de 45 ans.

Autoconservation de gamètes selon la loi relative à la bioéthique (2021)

Cet encadrement normatif décidé par le législateur, répond à une argumentation éthique : l’égalité d’accès à l’AMP pour toutes les femmes, la faible utilisation des ovocytes conservés par les femmes jeunes dans les pays qui la pratiquent, le coût pour la société (sécurité sociale) qui remboursera le prélèvement ovocytaire et non les frais de conservation. Ces derniers n’étant justifiés que pour des raisons médicales par exemple dans le cadre de l’oncofertilité.

Le don de spermatozoïdes répond au projet homo parental de couples de femmes et au projet monoparental de femmes non mariées. Il obéit aux règles de l’AMP avec tiers donneur. Il s’accompagne de deux modifications législatives majeures concernant par extension tous les dons de gamètes et d’embryons : un droit d’accès aux origines pour l’enfant qui en est issu et de nouvelles règles de filiation inscrites dans un nouveau chapitre du Code civil (Titre III chapitre V).

Fertile Vision nous a précédemment proposé un schéma synoptique sur la place de l’anonymat et de l’accès aux origines dans le don de gamètes et d’embryons. Le voici légèrement modifié depuis la loi.

Place de l'anonymat et de l'accès aux origines dans le don de gamètes et d'embryon (2021)

Il souligne le maintien de l’anonymat strict et réciproque entre les tiers donneur et receveur ainsi que la possibilité pour l’enfant à sa majorité de connaître l’identité du tiers donneur à l’origine de sa conception. Il en précise les conséquences requises pour toutes les parties : consentement préalable du tiers donneur (au don) d’un accès à ses données sanitaires et à son identité par l’enfant qui en fera la demande, anonymat absolu entre donneur et receveuractes civils pour les receveurs et l’enfant né. Le choix d’une règle commune d’accès aux origines pour les enfants nés d’une demande sociétale ou médicale de don de gamètes, met en tension éthique le principe de l’égalité d’accès à l’AMP et le risque de stigmatiser sur l’acte de naissance, une entrave à la liberté de ne pas savoir pour les enfants dont les parents ont eu recours à un don de gamètes pour des raisons médicales.

Un nouveau chapitre dans le Code civil (Chapitre V du Titre III) détermine les nouvelles règles de filiation suite à une AMP avec tiers donneur. Il s’agit de garantir qu’aucun lien de filiation ne peut être établi entre tiers donneur et l’enfant né de l’AMP. Le consentement du couple ou de la femme non mariée est donné devant notaire.

Pour les couples de femmes, la filiation est établie pour celle qui accouche et pour l’autre par une reconnaissance conjointe présentée lors de la déclaration de naissance et qui figurera sur l’acte de naissance. Sont également définies les règles portant sur le choix du nom de famille de l’enfant né et des autres enfants communs.

Si la paternité est judiciairement déclarée (depuis 1994), la femme qui fait obstacle à la reconnaissance conjointe, engage sa responsabilité envers la mère et l’enfant.

Une crainte souvent évoquée est celle de la pénurie de spermatozoïdes conservés avant la loi ainsi que celle de donneurs recrutés par la suite. L’évaluation des besoins est difficile du fait des données incomplètes provenant des pays accueillant les demandes françaises. Le tableau ci-contre regroupe les facteurs tendant à augmenter mais aussi à limiter la pénurie.

Facteurs tendant à augmenter mais aussi à limiter la pénurie

Le tableau mentionne l’autorisation nouvelle du double don de gamètes et le fait que la maternité partagée ou ROPA (recueil ovocytaire pour l’autre) n’est pas permise par la loi. Face au renforcement des nouvelles demandes (sociétales, double don de gamètes ) et à la possible perte rétro-active de dons antérieurs à la loi, l’offre pourrait bénéficier d’une source nouvelle de gamètes auto-conservés et non utilisés ainsi que du recrutement de nouveaux profils de tiers donneur, comme en témoigne l’expérience des pays ayant fait droit avant nous, à la levée de l’anonymat du tiers donneur de gamètes par l’enfant à sa majorité.

Il appartiendra à l’Agence de la biomédecine dans sa mission de veille sur l’application de la réglementation et des règles de bonnes pratiques ainsi que dans son implication dans la conservation des données relatives au tiers donneur de gamètes ou d’embryons, d’éclairer en tant que de besoin, le parlement en cas de difficulté réglementaire à gérer l’offre et la demande du don de gamètes.

Dernière modification le 15 mars 2024 18:59

Jacques Montagut

Jacques Montagut s'investit pour faire connaître et reconnaître la médecine et la biologie de la reproduction ainsi que les questions éthiques soulevées par l’avancée de la connaissance dans ce domaine. Il a siégé dans différentes instances ministérielles et éthiques. Il décide aujourd’hui de favoriser la réflexion et le débat sur le site Internet de Fertile Vision.

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