Réflexion éthique sur le don de gamètes en 2023, deux ans après la nouvelle loi française de bioéthique (4 août 2021)
La France est bien le premier pays au monde à avoir inscrit simultanément dans son droit, l’accès de l’AMP aux demandes sociétales, l’accès aux origines de l’enfant né d’un don de gamètes ou d’embryon par la levée possible de l’anonymat du tiers donneur ainsi que de nouvelles règles de filiation communes à tous les dons de gamètes, d’indication médicale comme sociétale. 1O ans après la loi Taubira sur le mariage pour tous et 2 ans après les profonds changements de la nouvelle loi de bioéthique, Fertile Vision poursuit sa réflexion éthique sur la mise en place des textes d’application (décrets et arrêtés ministériels) et les interrogations qu’elles soulèvent aujourd’hui
La France est bien le premier pays au monde à avoir inscrit simultanément dans son droit, l’accès de l’AMP aux demandes sociétales, l’accès aux origines de l’enfant né d’un don de gamètes ou d’embryon par la levée possible de l’anonymat du tiers donneur ainsi que de nouvelles règles de filiation communes à tous les dons de gamètes, d’indication médicale comme sociétale. 1O ans après la loi Taubira sur le mariage pour tous et 2 ans après les profonds changements de la nouvelle loi de bioéthique, Fertile Vision poursuit sa réflexion éthique sur la mise en place des textes d’application (décrets et arrêtés ministériels) et les interrogations qu’elles soulèvent aujourd’hui
Comme nous l’avons précédemment décrit, les couples de femmes et les femmes seules, désignées dans la loi « femmes non mariées », peuvent désormais accéder à l’AMP, dans le cadre d’une demande sociétale : un choix du législateur dans le prolongement de la loi sur le mariage pour tous (loi Taubira 2013), soutenu par de nombreuses instances préalablement consultées (États généraux de la bioéthique, Conseil d’état, CCNE, OPECST). Il s’agit d’une part de l’autoconservation ovocytaire pour raison d’âge et d’autre part de l’accès au don de spermatozoïdes pour répondre à un projet parental, homoparental ou monoparental.
La nouvelle loi de bioéthique dont les débats parlementaires se sont déroulés dans les soubresauts des vagues de la pandémie Covid19 et de ses deux périodes d’Etat d’Urgence sanitaire, est en vigueur depuis le 4 août 2021. Elle est suivie dès le mois suivant par un premier décret du 28 septembre 2021 qui précise notamment les conditions d’âge pour l’autoconservation des gamètes et leur utilisation dans le cadre d’’une AMP dont les indications sociétales sont confiées à des établissements public ou privés chargés de service public hospitalier. Cette activité relève d’une autorisation distincte de celle de la préservation de la fertilité pour des raisons médicales, attribuable également à des établissements de santé et des laboratoires du secteur privé.
L’arrêté du 14 avril 2022 détermine les règles d’attribution de gamètes ou d’embryon en vue de don selon l’ordre chronologique d’inscription des demandeurs, le délai d’attribution ainsi que les choix d’appariement du tiers demandeur. La première étape étant de constituer les dossiers des demandes sociétales de don de gamètes dont la date de constitution fait foi.
Le décret du 29 aout 2022 organise le traitement des données de l’accès aux origines dans le don de gamètes et d’embryon .
Le tableau çi-contre[1] résume dans sa partie supérieure la collecte des données relevant du tiers donneur (identité et données non identifiantes) et celles du tiers receveur (identité du couple ou de la femme non mariée, AMP réalisée, identité et filiation de l’enfant né par rapport au tiers receveur).
Un arrêté du 29 aout 2022 fixe pour le tiers donneur de gamètes les formulaires de consentement à la communication et à la collecte de son identité et de ses données non identifiantes.
L’ensemble des données sont conservées par l’Agence de la biomédecine (ABM) et destinées, en tant que de besoin, à une nouvelle commission ministérielle : la Commission d’accès aux données du tiers donneur. Cette dernière, comme l’indique la partie inférieure du tableau, est l’interlocutrice de toute personne majeure née d’une AMP avec tiers donneur et en demande d’accès à ses origines. Elle instruit la demande, collige les données transmises à cet effet par l’ABM et transmet les éléments au demandeur.
La mise en place de la nouvelle loi de bioéthique relève d’une mobilisation considérable de l’ABM ainsi que des équipes concernées pour la gestion et la collecte des données relatives aux différentes parties prenantes : tiers donneur, tiers receveur et enfants nés, dans un temps record pour répondre au plus tôt à un accès équitable aux origines des personnes issues d’un don de gamètes ou d’embryon.
Ce choix du législateur, légitime dans notre démocratie représentative n’est pas sans imposer des contraintes à l’exécutif et un suivi des risques encourus dans les bonnes pratiques de l’AMP, notamment par l’ABM. L’ensemble s’intègre dans une réflexion éthique, contributive à la démocratie participative.
Les questions en attente de réponse relèvent d’enquêtes au niveau national (autorités de santé, professionnels et associations concernés). Parmi elles, mentionnons :
- Le surcroit des demandes d’AMP pour les centres de service public en charge à la fois des préservations médicales et sociétales de la fertilité de la femme, par autoconservation ovocytaire. Un éventuel retentissement sur les bonnes pratiques de prise en charge pourrait conduire à une inégalité sectorielle d’accès pour les requérants de préservation ovocytaire d’indication médicale.
- La nouvelle gestion du don de gamètes et particulièrement de spermatozoïdes liée au nombre d’inscriptions de don de spermatozoïdes pour les femmes non mariées et les couples de femmes, à l’évolution des délais d’attente sur l’ensemble des demandeurset des stocks disponibles, à l’échéance de la date de destruction rétroactive des dons antérieurs à la loi pour lesquels la levée de l’anonymat n’a pas été rendue possible. Si l’année 2024 avancée par certains devait être retenue, quelle serait la perte numérique des dons soumis à la destruction par décongélation et ses conséquences envisageables ? - une tension éthique entre l’égalité d’accès aux origines pour le plus grand nombre d’enfants nés d’une AMP-D et l’égalité d’accès à l’AMP-D pour l’es demandeurs en cas de délai d’attente trop long.
- La place de l’accueil d’un embryon donné par un couple (dont le choix du devenir n’est pas la destruction) depuis l’autorisation du double don de gamètes. Ce dernier plus simple et plus sécure pour les équipes clinico-biologiques est plus coûteux que le don d’embryon (gratuit) mais qui n’est pas, pour l’enfant qui en est issu, sans risque médical et social, avec une fratrie biologique (dans près de 90% des cas).
- L’évolution de la proportion d’IAD, de FIVD et d’ICSID, moins consommatrices de gamètes dont le rapport bénéfice-coût pour chacune d’entre elles reste encore à définir (égalité d’accès et principe de solidarité).
La vigilance (ABM) sur certains risques et la nécessaire évolution des pratiques se présentent aujourd’hui à trois niveaux :
- La pénurie de gamètes de tiers donneur (spermatozoïdes – ovocytes) dont l’évaluation à court terme est différente de celle à moyen terme pour les indications sociétales du fait d’une demande qui se normalisera à la baisse, un fois que la population aujourd’hui en demande sera satisfaite
- La gestion du don de gamètes: défaut de prise en charge des indications médicales - l’absence légale de priorisation et l’évolution des pratiques des secteurs public et privé – le développement de nouvelles sources de dons (campagnes d’information nationale et relais loco-régionaux par les parties prenantes concernées)
- L’adaptation de la nomenclature et des MIG[2] pour répondre aux besoins et aux exigences des bonnes pratiques de la préservation de la fertilité de la femme, du don de gamètes et d’embryon dans ses indications médicales et sociétales.
Le modèle français d’accès aux origines du tiers donneur de gamètes est suivi par de nombreux pays et instances européennes. Une récente enquête trans-gouvernementale du Comité européen de Coopération Juridique (CDCJ) du Conseil de l’Europe (décembre 2022), nous éclaire sur les divergences des choix des législations européennes en la matière, l’occasion d’une nouvelle réflexion éthique pour Fertile Vision sur l’évolution depuis 10 ans de la bioéthique sur le droit d’accès aux origines que nous publions dans le même temps sur notre site, dans la perspective de la prochaine loi de bioéthique alors que la récente loi de 2021 est en cours d’application.
[1][1] Ce tableau fait suite au tableau sur la place de l'anonymat et de l'accès aux origines dans le don de gamètes et d'embryon : Le don de gamètes et la nouvelle loi française relative à la bioéthique (2021-1017) (fertilevision.fr)
[2] Missions d’intérêt général du Code de la Sécurité Sociale
Jacques Montagut
Jacques Montagut s'investit pour faire connaître et reconnaître la médecine et la biologie de la reproduction ainsi que les questions éthiques soulevées par l’avancée de la connaissance dans ce domaine. Il a siégé dans différentes instances ministérielles et éthiques. Il décide aujourd’hui de favoriser la réflexion et le débat sur le site Internet de Fertile Vision.
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